QUALITE DE L'AIR A PARIS (1)
D’où vient la pollution ?
L’ère industrielle a fondamentalement changé le type de pollution que l’on pouvait rencontrer en ville jusqu’au XIXe siècle. Mais de l’ère industrielle nous sommes passés dans celle des services. Le secteur tertiaire occupe aujourd’hui 70% de l’activité dans les pays développés, et plus encore dans les villes. Les usines ont été repoussées à la campagne.
Pour mémoire, au Moyen-Age, alors que l’industrie n’existait pas, l’artisanat avait une place prépondérante dans nos villes : tanneries, imprimeries, travail des métaux, du bois… dont il subsiste encore des séquelles : les bijoutiers du Marais, les meubles du Faubourg Saint Antoine… Mais à cette époque on se préoccupait assez peu de la pollution ; tout terminait directement dans le caniveau. Avec le crottin des chevaux (une superbe source de méthane à effet de serre d’ailleurs, aujourd’hui remplacée à Paris par les déjections canines…). La ville était sale et source de germes pathogènes. Si la grande peste de 1310 s’est si facilement propagée, grâce aux rats, c’est bien à cause de cette pollution permanente.
Le XIXe siècle a changé la donne. L’exode rural a fait grossir les villes. Les cheminées d’usine ont poussé, rejetant des suies, du soufre, des métaux lourds, des polluants divers. Les premières automobiles ont fait leur apparition mais leur nombre était insuffisant pour polluer vraiment : c’était effectivement réservé aux riches. Les trains marchaient au charbon : le passage au diesel fut un énorme progrès pour la qualité de l’air.
Cela a provoqué d’ailleurs en ville un effet de coupure entre l’est et l’ouest : les vents dominants en hémisphère nord étant des vents d’ouest, les familles aisées se sont installées à l’ouest, au vent, et les familles pauvres à l’est, sous le vent des usines. C’est pourquoi les quartiers les plus « bourgeois » à Paris sont toujours à l’ouest, et les quartiers les plus populaires à l’est.
Et comme tous ces nouveaux habitants devaient se chauffer en hiver, la solution facile et abondante était le charbon, puis vint le fuel ou le gaz.
Après la seconde guerre mondiale le boum économique a considérablement remodifié la structure de nos villes. La production d’automobiles de masse fut la source de bien des maux pour des villes qui n’étaient pas prévues pour cette circulation anarchique. Il fallut adapter nos villes. Les voitures étaient gourmandes en essence, avaient un mauvais rendement, les essences n’étaient pas aussi performantes qu’aujourd’hui et contenaient entre autres, du plomb. Les villes continuaient de se peupler, mais le charme de la campagne commençait à pousser des citadins vers la banlieue, augmentant leur trajet travail. Ce fut aussi l’ère des villes nouvelles autour de Paris, pour décongestionner la capitale. Toutes ces erreurs écologiques ajoutées au fait que les usines étaient toujours en ville et que personne ne se préoccupait de savoir si tous ces rejets étaient toxiques ou non, ont fait que nos villes étaient considérablement polluées à la fin des années 70. Sans que ce soit la cause de la révolution de 68 ni du mouvement hippie, la haine de la société de consommation a tout de même pris racine dans cette croissance débridée.
Qu’en est il aujourd’hui ?
Il y a eu une prise de conscience des citoyens devant tant d’erreurs. C’est une bonne chose. Mais la prise de conscience est décalée par rapport à la réalité, comme si la perception des évènements avait une phase de retard sur leur apparition effective.
La ville étant engorgée, l’immobilier devenant rédhibitoire et les livraisons aléatoires, les entreprises ont fui et se sont installées dans des zones industrielles en périphérie de Paris. Périphérie d’ailleurs de plus en plus lointaines. Par ailleurs les procédés techniques se sont améliorés, souci du rendement et de la productivité oblige, les rejets ont diminué, la lutte contre la pollution engagée à la fois par les pouvoirs publics et les industriels a porté ses fruits, de sorte que les rejets industriels polluants ont fortement diminué. Le nucléaire peut ne pas plaire à tout le monde, mais faire de l’électricité nucléaire ne provoque pas de gaz à effets de serre et n’envoie pas dans l’atmosphère de rejets soufrés comme le charbon ou le fuel. Le chauffage à charbon a disparu, celui au fuel perdure mais diminue fortement. L’habitat s’améliore. Le réseau de transports en commun s’est intensifié. Reste la pollution automobile, mais là les chiffres sont formels : les constructeurs et les pétroliers ont fait de tels progrès en quelques années que les nouveaux véhicules diesel ne polluent plus du tout, et ceux à essence très peu. La qualité de l’air s’est donc améliorée lentement en fonction du renouvellement du parc automobile, et ce jusqu’en 2001.
Malheureusement depuis 2001 nous assistons à une rupture de cette chaîne vertueuse. La politique menée par la nouvelle municipalité pour réduire la circulation automobile a échoué, parce qu’elle était irréaliste. Si 10 à 15% de moins de véhicules circulent dans Paris, les embouteillages ont augmenté de façon dramatique, et en conséquence la pollution. Car les rejets des véhicules sont liés non pas à la vitesse mais au régime moteur. Plus le rendement est élevé, plus l’essence brûlée est efficace et moins il y a de rejets. Dans un embouteillage le rendement est mauvais, il y a des redémarrages nombreux, et les rejets sont beaucoup plus importants. Par ailleurs la paupérisation de la population, son éviction en banlieue, ont fait augmenter les temps de trajet, et aussi, bien plus grave, ont participé à l’augmentation du temps de renouvellement du parc automobile, qui est passé de 5 à 7 ans.
Pire, le report de l’automobile sur le scooter deux-temps, qui rejette des COV, a fortement aggravé les choses. Car la diminution du nombre de voitures n’a pas été compensée par une augmentation du nombre de voyageurs dans les transports en commun : il y a même eu une diminution des fréquentations du métro.
Résultat : entre 2001 et 2003 il y a eu augmentation des rejets de NO2, d’Ozone et de particules fines, alors que ces chiffres diminuaient depuis 30 ans, et tout particulièrement sur les 10 dernière années.