MAREES NOIRES
En ce moment a lieu le procès de l'Erika. Encore une marée noire due à un bateau pourri, affrété par un armateur douteux, avec un équipage au rabais, pour transporter pas cher le pétrole d'une grande compagnie pétrolière. Tous les ingérdients d'un mauvais polar étaient réunis : les esclavagistes au service du grand capital et de la finance internationale. Du pétrole qui sent le soufre.
Les marées noires se suivent et se ressemblent. Elles ont presque toujours les mêmes causes et produisent les mêmes effets : côtes souillées, oiseaux englués...
Le risque zéro n'existe pas plus en matière de transport maritime qu'ailleurs. Toutefois nous devrions nous interroger sur l'incapacité de l'Union Européenne à éviter que des poubelles mal flottantes engorgées de mazout ne viennent s'échouer sur nos côtes à la première vague. Nous devrions aussi nous demander pourquoi des procès interminables sont nécessaires pour obtenir indemnité.
Depuis l'affaire de L'Amoco Cadiz, les politiques européens ont agité les bras dans tous les sens en disant : plus jamais ça. A l'époque, le tout jeune cabinet d'avocats de Corinne Lepage avait pris l'affaire en mains. Mais pour asseoir la notoriété du cabinet, il fallait aller jusqu'au procès et ne pas se contenter d'un accord à l'amiable qui, pourtant, était intéressant. Madame Lepage a eu raison puisqe cela lui a valu un poste de ministre. Cela dit le procès a duré des années et l'indemnité finalement obtenue moins bonne que celle que le "coupable" proposait au départ. Par la suite, au ministère de l'environnement, elle a planché avec ses collègues européens sur le sujet : comment empêcher un nouvel Amoco Cadiz? Résultat : une armada de fonctionnaires européens chargés d'inspecter tous les tas de ferraillent qui traînent dans les ports. Bien entendu ils ne voient en fait que 15% des bateaux au lieu des 25% prévus, et une inspection superficielle est largement insuffisante pour se rendre compte de l'état réel des bateaux. D'autre part, le FIPOL, auquel cotisent les pétroliers, plafonne les indemnités : c'est le principe de la mutualisation du risque. Si le dommage est très important, seul le procès ou un accord amiable permet d'obtenir davantage. Ainsi les transporteurs sont ils déresponsabilisés d'office et il faut une faute lourde pour leur demander d'assumer davantage.
Ce n'était pourtant pas compliqué. Les Américains ont choisi une voie bien plus efficace, basée sur le principe pollueur-payeur. Les navires qui entrent dans leurs eaux territoriales sont priés d'être assurés auprès d'une compagnie agréée. Pas besoin de centaines de fonctionnaires. Le bateau faxe sa police d'assurance et obtient le droit de passage, sinon une vedette des garde-côtes a tôt fait de le renvoyer d'où il vient. En cas d'accident, pas besoin de procès : le coupable paiera jusqu'au dernier centime. Résultat : on peut compter sur les assureurs pour se prémunir. Eux se chargent d'inspecter les navires et de faire payer les polices en fonction du risque. Mais c'est trop simple pour nous européens.